Quand je reviens des Fashion Weeks, le mot défilé est sur toutes les lèvres de mon entourage pro et privé. T’as vu lesquels? Il y a des défilés qui t’ont plue ? Mais je rends perplexe mon auditoire en expliquant que je fais surtout les show rooms. Bien moins visibles que les défilés, bien moins glam sur le papier, ils sont pourtant le coeur battant de la mode. C’est là qu’on rencontre les créateurs, leurs RP (attaché de presse, responsable de communication) et que les fluides de la création et de l’air du temps s’échangent (en tout bien tout honneur bien entendu). Quand la collection est présentée dans un lieu de rêve, l’expérience du show room peut devenir enchanteresse. Comme chez Gucci. Je crois que Géraldine sur son blog, ou Sophie Fontanel sur son Instagram ont déjà bien communiqué la magie insufflée par le nouveau designer de la maison, Alessandro Michele. Toujours sur le fil, imaginant des vêtements qui nous font voyager dans le temps et l’espace, Alessandro nous emmène loin parce qu’il résonne en nous. Il est de ces designers qui sont des artistes au même titre que la génération des John Galliano et Alexander Mc Queen. Oui, on frémit pour Alessandro à l’évocation de ces noms… On ne sait pas combien de temps il tiendra la route (on la lui souhaite longue)(en tout bien tout honneur bien entendu), il frôle parfois le grenier de grand-mère dans ces collections, mais en boutique – et j’y suis passée sur la célèbre artère du luxe à Milan, la Via Monte Napoleone – les portants sont remplis de pièces ultra ultra désirables (il y avait une dame qui essayait une robe entièrement brodée du défilé printemps-été, je me suis presque assise pour la regarder, j’avais à nouveau 4 ans).
Chez Sergio Rossi, passé la porte d’un palais typiquement Milanais, il fallait s’engager dans la pénombre d’un large hall pour se retrouver devant un lourd rideau noir. Derrière, un club années 20 attendait le visiteur. Jazz Band, lustre en cristal géant et escalier de velours menant vers… le nulle part. Magique !
Volutes Art Déco, palette de couleurs chatoyante, talons de fourrure ou entièrement brodés, paillettes à gogo, la richesse de la collection m’a réjouie le coeur.
L’un des thèmes de l’hiver prochain ? Le militaire, version officier gradé of course. Comme chez Gianvito Rossi où les brides sont gansées d’or telles des insignes.
Moins gradé, la chaussure de randonnée fait son trou en ville comme ici chez Tod’s.
Ou moins premier degré chez Prada : avec une semelle compensée façon Creepers, des plaques en or sophistiquées, des boucles et un mix de couleurs étudiées.
Le folklore russe prend ses marques également : broderies, pompons, or gravé et ciselé, passementeries… C’est l’un des thèmes forts de la saison. Les fameux mocassins Fratelli Rossetti jouent le jeu « otchen rarocho » (j’ai fait russe LV3 au lycée)(je sais, la classe)(j’ai tout oublié)
Côté pompes de mecs, je compte bien m’emparer de cette petite allure Eddie Barclay à Saint Trop’ en plein hiver que nous suggère Tod’s. Je m’y vois bien moi avé le cigare et les nanas à gros seins en bouquet autour de moi. (bah ouais!)
Pause terre-à-terre : c’est quand même fou-dingue comme en Italie, dans n’importe quel boui-boui ou bistroquet du coin vous commandez n’importe quoi à manger et c’est BON. Là, j’étais dans un tabac tout nul, debout au comptoir, pressée, seule, sous la pluie… Et bien ce sandwich était si bon, un poil tiédi par la mémé derrière le bar (enfin grâce à son four hein) (je ne sais pas ce que vous étiez en train de vous imaginer) (bon sang, vous me choquez!), j’en ai mangé 3. Elle était ravie la mémé.
Après, j’étais de charmante humeur (je suis du genre à grogner drôlement quand j’ai faim) et du coup, j’étais parfaitement disposée à découvrir ces… trucs Fendi. Enfin, ces mules à volants brodées d’arbres japonais en fleurs avec semelle intérieure matelassée de satin couleurs, comment dirais-je, or des palais d’orient en début de matinée avec un poil de vert dedans. Le jeu de couleurs est magnifique, faut reconnaître. Voilà. (j’y vais j’ai piscine)
(voilà je suis revenue)
La palme de la vitrine revient sans conteste à Dolce & Gabbana : je suis tombée dessus Corso Venezia. Chaque vitrine représentait un type de commerce traditionnel en Sicile, le tout truffé de souliers et sacs de la marque. Il y avait le pâtissier (image centrale), le fleuriste (droite), le poissonnier (en bas) et le marchand d’épices (gauche). Tout était si réaliste et pensé avec une telle minutie. J’ai ressenti la même excitation que lorsque je tombe sur une maison de poupée miniature (je sais que quand je serai vieille et enfin débarrassée de ces mômes qui prennent toute la place chez moi, j’en aurai une).
Puis j’ai déboulé chez Charlotte Olympia. Le thème cette année ? Galactic Girl. Mais façon Charlotte : c’est à dire une fille du futur avec une allure rétro, genre Barbarella. Ce qui est exceptionnel chez cette créatrice, c’est l’énergie qu’elle met à créer et développer de nouveaux talons, totalement extravagants, chaque année. Une telle recherche représente des dizaines de milliers d’euros d’investissement par talon ! Ce modèle « Saturne » ne doit pas seulement être beau, innovant, étonnant, tout ce qu’on veut, il doit aussi être résistant. On doit pouvoir marcher avec. (non je n’ai pas essayé)(j’avais déjà peur de les casser en les faisant tomber quand l’attaché de presse me les a remis dans les mains comme deux nouveaux-nés)
Dans Galactic, il y a pierres lunaires, pluie d’astéroïdes, planète Krypton (chez Superman rrooo) et cristaux d’améthystes. Les voilà, ils sont sous le talon des sandales Charlotte Olympia.
L’étoile, sous toutes ses formes et volumes, est un énorme leitmotiv en 2016 (déjà présent sur l’été). Voilà le thème discrètement traité par Charlotte sur ces plateformes idéales pour aller travailler (surtout quand on prend la ligne 13).
Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah ! Ouf. Ohlala. Pardon. Attendez, je reprends mon souffle ! J’ai eu une de ces peurs. Je n’avais pas reconnu que c’était des chaussures. Arrf. Je croyais que c’était l’une des ces images flippantes sur lesquelles ont peut tomber sur Facebook (chien décapité, poisson éventré etc). mais non, ce sont les nouvelles baskets Fendi munies de branchies (je dois la reconnaissance vocable de ces protubérances à Naomi, merci). Donc, des runnings en cuir gaufré élastique, avec semelle rayée noir et blanc ( ce sont les ondes gravitationnelles d’Einstein m’a soufflée l’attachée de presse) et branchie façon poisson japonais (toute la partie botanique de la collection vient d’un livre japonais du 18e déniché par Karl) avec absence de laçage caractérisé. Qui dit mieux ? (mon dieu, je peux à peine les regarder)
Il faut cependant reconnaître que l’un des leitmotivs les plus importants de l’hiver prochain (vous n’allez pas y couper, que ce soit en vêtements ou en accessoires), ce sont les volants. Traité avec délicatesse chez la nouvelle créatrice qui monte Amina Muaddi pour sa marque Oscar Tiye (vous savez les sandales avec des ailes d’ange sur le cou de pied), cela donne un bel escarpin du soir.
Les collections sont chaque année un peu plus schizophréniques, brouillant les messages entre le féminin et le masculin. Un jour les hommes finiront bien par franchir les quelques mètres qui nous séparent et sortir en jupe, puis en talons dans la rue. Ce sera beau ! Je dis ça sans arrières pensées (qui n’a jamais trouvé que les hommes avait de bien plus belles jambes que la plupart des femmes?). Donc chez Prada, c’est sa spécialité à Miuccia de mélanger les symboles pour créer de nouvelles histoires. Ainsi, me voilà totalement happé par l’envie de porter des chaussettes Burlington l’hiver prochain AVEC des sandales à talons super hauts.
Sinon, l’idée de coller des patchs drôles et fun sur ses vêtements et accessoires continue son bonhomme de chemin. Ici c’est fait de manière définitive et ultra sophistiquée par l’Italien bling bling Gebede, mais nous sommes dans une vaste démarche de personnalisation. Un vrai mouvement de fond qui ira sûrement vers moins de consommation pour plus de véracité dans l’appréhension du vêtements.
Au fait, je n’ai pas parlé des chaussures du défilé Gucci. Un brin surchargées, comme ces salomés quadruple bandes de python avec perles et cristaux surmontés d’une tête de tigre et talon en forme de nuage de reptile bordé de métal doré. Sinon, je ne compte plus les filles qui portent les fameux mocassins, rose, noir, doré, en mules… Pourquoi que moi je les ai pô ? (ah oui c’est vrai, j’en suis pas fana)
La palme du cut revient à Giannico, ce jeune italien qui monte qui monte, guiliguili la petite bête. Cette année, il a décidé de faire une collection autour du make up. Sur les bottines conçus dans des teintes de nude, il a posé des ornements en forme de palette de fards ou de pinceau à blush.
Et sur ses bottines, des palettes de rouge à lèvres !
Et chez Sara Battaglia, il y avait un sol en miroir, de quoi passer un bon quart d’heure ! (le moment le plus gênant c’est celui où vous vous retournez après 15 grimaces et qu’Anna Dello Russo vous regarde inquiète) Allez, on se retrouve très vite pour un nouveau film et la fashion week de Paris.
bichous !
Super revue merci! Mes préférées.. Les C. Olympia Saturnes!
Oh merci pour ce compte-rendu hyper riche !!
J’aime beaucoup beaucoup la collection de Sergio Rossi, dis donc !
Pour les plateformes de Charlotte Olympia, oui c’est top pour la ligne 13 !! T’es tellement perchée que tu es au dessus de la mêlée, tu respires, quoi ;-)
Hâte de voir la suite !
Super article complet et drôle merci ! Ça donne plein d’envies folles pour les saisons à venir, en revanche pas fan des mocassins Gucci non plus, je ne comprends pas la renaissance fashionesque de ces pompes ringardes ??
Oh mais les Tod’s blanches sont tellement parfaites ! Il me les faut pour quand je chante du Christophe à tue-tête dans ma cuisine (ou dans la rue) (le beau bizarre(oui, tout l’album)) et elles iraient tellement bien avec la veste de smoking blanche que je n’ai pas encore.
Waouh on en prend plein les yeux. Je reviendrai quand j’aurais remis la main sur mes solaires ! Un billet pareil ça se savoure docteur !
(Les sneakers Fendi : mais quel talent de réussir à donner le sourire fac à un tel désastre)