Jouer son image aux dés.

 

Photo Marie Florès pour Shooooes

Photo Marie Florès pour Shooooes

Avant, on jouait un peu son image aux dés. Posant le temps d’un instant avec l’espoir un peu fou qu’on serait beau sur la photo. Les photogéniques étant les borgnes au royaume des aveugles.

Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, et ça ne cesse de me perturber, me titiller les méninges, m’exaspérer, on ne dit plus des choses DE soi – des gestes, des mots, des traits qu’on laisse échapper et qui offrent aux autres le bonheur de nous saisir dans ces fulgurances – on dit des choses SUR soi. Tout est contrôlé, maîtrisé, réfléchi et rien, ou peu, ne transparaît de notre vérité. L’autre nous montre ce qu’il pense être le meilleur de lui pour… qu’on l’aime.

Tout cela demeure une vaste quête d’amour. Qui m’interroge. On n’a jamais rien construit d’aussi efficace pour avoir le sentiment d’être aimé que les Likes, n’est-ce pas ? Ce serait comme des shoots : en quelques minutes, vous avez votre dose, qui peut se renouveler plusieurs fois par jour (d’ailleurs d’ici peu, on assistera sans doute aux premiers cas de malades, comme pour les jeux d’argent ou vidéos). J’ai toujours eu peur des drogues, de la transformation qu’elle pouvait imposer à mon cerveau. Et celle-là me fait trembler, je la sens qui s’insinue dans des moments de pures réalités où je suis clairement dans un présent épanouissant (à la campagne avec les enfants : « tiens et si je prenais une photo de ce bébé poney de 1 mois, ça va liker »), je la sens qui cherche à imposer elle-même son rythme avide de régularité, de toujours plus plus plus. S’en éloigner ? Ce serait comme de dire en 1975, alors même que vous avez décidé de construire vos projets « non, je ne prendrai pas le téléphone ». Et pourtant, une partie de moi se passerait bien de la gachette à Likes. Trop déstabilisant pour un petit chat sauvage comme moi qui se méfie des miroirs aux alouettes.

Comment rester proche de soi, entier, avec un média qui vous pousse à vous mettre en scène ? Et donc, à jouer un rôle ? Je ne cesse d’y réfléchir. Je trouve cela passionnant (et peut-être que je vous barde atrocement).  Même s’il faut encore et encore se poser, ne pas se laisser imposer de modèles, ne pas chercher à bâtir une maison qui ne serait pas la nôtre, réussir à s’extraire pour trouver à respirer son propre air, remettre encore son identité sur la table pour la regarder et la questionner.

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Sur cette photo de Marie Florès, voici l’un des plus extraordinaires modèles de la saison printemps-été 2015 : les sandales slimesques de Sergio Rossi en cuir velours vert mais vert-vert hein. Je les ai vues au Bon Marché à Paris pour celles à qui ça fait des grelots dans l’estomac !

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5 commentaires

  1. HappyLilly - 1 juillet 2015 - Répondre

    Quand je vois la « violence » avec laquelle les blogueuses détachent de certains de leurs outils de « propagande », je me mets en alerte sur cet objet de communication enjolivée.
    Tout cela sème un fossé entre le moi que je suis réellement et celui que je veux bien montrer. Et même en vieillissant, c’est toujours une question que je me pose.
    Quand, sur IG, tout le monde a mis des photos de fruits d’été dans de jolis récipients sur fond blanc, j’ai eu envie de photographier les noyaux des cerises que j’étais en train de manger. La photo n’était pas si mal au final. Mais je ne l’ai pas postée. Pas osé. C’est con hein.
    C’est là que j’ai compris que les choses n’étaient pas si parfaites. Je me prends d’affection (toute relative hein) pour une nana dont j’apprécie le blog mais que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam et « je suis joie » (je déteste cette expression) si elle répond à mon commentaire. (et je me dis « t’es bien conne ma pov’fille » – en parlant de moi).
    Je m’irrite de lire qu’une autre, que j’apprécie beaucoup, fait un lien entre les soldes et les attentats et y met une note d’humour. Mais je me débine et ne lui dit pas qu’elle déconne à bloc. Dans la vraie vie, je l’aurai fait sans hésiter.
    Quand j’ai une photo qui fait plus de likes, je me dis « ah tiens, c’est comme ça qu’il faut faire ».
    Les réseaux sociaux: cet objet auquel je participe et que je regarde, en même temps, en me disant que cette occupation chronophage est bien vaine et que ces gens ne viendraient pas me voir dans mon lit d’hôpital si j’étais malade un jour. Le miroir aux alouettes dont tu parles.
    A moins d’en faire commerce (monétisation et affiliation qu’elles disent), ces likes n’ont aucune autre valeur que de booster momentanément l’ego. Et si ça se trouve de l’abimer aussi vite. Ai-je donc besoin que ces likes valident ma vie sociale?
    C’est Linda Lemay qui chantait une chanson sur des souliers verts. Mais pas sur ceux-là qui sont beauuuuux.
    J’en ai une paire verte comme ça, tu me donnes envie de les ressortir. Les aime-je encore?

    1. Dr Shooooes - 1 juillet 2015 - Répondre

      @HappyLilly Je me rends compte à quel point on se pose 1000 questions alors que les ados, qui ont grandi avec ces outils entres les mains, ne s’en posent pas du tout eux… ET moi tu sais, je suis Joie quand on me parle et qu’on engage la conversation sur le blog ! :) bise

  2. virginie/mode9 - 1 juillet 2015 - Répondre

    Tu sais que d’être riche en followers (ou like) c’est un peu comme être riche au Monopoly hein ! Ça ne sert à RIEN ! ah ah Non franchement c’est aussi un sujet qui me passionne d’un point de vue sociologique. Pour ma part, je reste la plus sincère possible pour garder l’estime de moi. Je n’aime pas tout le monde donc je ne cherche pas à être aimer de tous. Être populaire c’est être consensuel aussi et je n’aime pas le consensus mou ! :-)

    1. Dr Shooooes - 1 juillet 2015 - Répondre

      @virginie/mode9 « Être populaire c’est être consensuel » magnifique ! :)

  3. Gaëlle - 1 juillet 2015 - Répondre

    C’est tellement juste, ta réflexion, j’y pense souvent, surtout depuis que je suis tombée dans Instagram aussi. Je ne cherche pas les abonnés, d’ailleurs je poste assez rarement et je ne m’abonne pas systématiquement aux personnes qui s’abonnent à mon compte, ce côté donnant-donnant m’énerve. C’est difficile de ne pas être sensible aux likes, ça demande pas mal de confiance en soi et d’abnégation, et c’est un peu comme un défi de résister ;-)

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